mardi 11 novembre 2008

LE "NOAO"

Pourquoi le patron m’a-t-il demandé de rédiger le compte-rendu ? Cela fait trois fois d’affilée que je m’y colle, paraît que j’ai des « facilités rédactionnelles », il a jamais dû voir mes carnets de notes. En tous cas, j’ai un problème car depuis une demi-heure le directeur de la production nous balance du « Noao » à toutes les sauces :
- Ce qui va nous différencier, c’est le « Noao » !
- Votre atout majeur, c’est le « Noao » !
- Les autres, ils ne l’ont pas le « Noao » !
Punaise, on a ce truc et on le savait pas, d’ailleurs dans l’assistance c’est la grande perplexité, il est où ? Certains supposent qu’il est dans la vitrine du bureau du Boss, mais franchement si c’est tellement exceptionnel je l’aurais remarqué les fois où je lui ai déposé des rapports.
- L’essentiel, c’est de ne pas perdre le « Noao ».
Il commence à nous saouler celui-là, on veut bien veiller sur la chose, on est cadre, on doit protéger la boutique, mais encore faudrait-il savoir de quoi on parle, mince !
Cà blêmit sévère dans l’assistance, manquerait plus qu’il désigne un responsable au titre de la surveillance, bon moi en un sens j’peux pas être à la fois rédacteur en chef et surveillant général, je m’concentre quand même sur la feuille, çà m’évite de trop le regarder. D’habitude je m’contente de taper mes notes, mais là va falloir que je synthétise pour mettre en évidence notre botte secrète face à la concurrence. C’est peut-être une sorte de talisman, non c’est pas le genre de la maison ici on est des pragmatiques (dixit-DirProd) ou alors une formule, une équation style 20ème degré, un machin qu’on rajoute et dont on a le secret exclusif, dans ce cas c’est enfermé dans la salle des coffres, ce qui expliquerait qu’on soit pas au courant. Cà suppute sévère dans l’assistance et cà à tendance à se tasser sur les chaises car dans les réunions y’a toujours un moment délicat, c’est celui du tour de table qu’on voit arriver gros comme une maison. Il y a déjà FORTRAN, le chef d’exploitation, qui s’éclipse victime d’un besoin pressant, mon œil !
- Qu’est ce que vous en pensez ?
Va falloir la jouer fine si on ne veut pas passer pour des billes, genre je fais comme si je savais ce que je sais pas. J’me lance :
- Cet atout majeur, ce « Noao » qu’on doit protéger, il faut être sûr que tout le monde autour de cette table en a la parfaite connaissance, il faut qu’il passe de l’un à l’autre, qu’on renforce encore l’esprit d’équipe.
- Excellent BARDIN ! m’entends-je dire pendant que je me replonge vite fait dans mes notes en me posant la question qui tue genre Schmilblic : le « Noao » est-il grand, petit, vert, à lunettes etc…
Dès que la réunion sera finie, je file dare-dare dans mon bureau et j’ouvre mon dico à la lettre N.
Tout le monde y va de son petit couplet en parlant pour ne rien dire et quand le Boss lève la séance en exprimant sa satisfaction de voir que « Le message est passé » chacun retrouve ses couleurs d’origine et s’en va vaquer à ses occupations, ignorant ses collègues de peur de passer pour un arriéré mental qui ne saurait pas ce qu’est un « Noao ».
D’ailleurs, entre nous, cà doit pas être si connu que ça car dans mon dico de poche, c’est même pas marqué. Je remets à plus tard ma frappe du compte-rendu, quand j’aurai pu compulser à la maison mon édition du Larousse en vingt volumes.
Quelle heure est-il ? 18h30, à 19h00 j’ai mon cours d’anglais par téléphone, j’ai juste le temps de vérifier quelques trucs sur mon manuel pour niveau intermédiaire.
Je le sors de ma sacoche et le pose sur mon bureau en regardant fixement le titre en couverture : « KNOW HOW ».



Alain SOLITE-Nov 2008

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